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Ce blog se veut un lieu de réflexion libertaire autour des concepts de domination et de pouvoir.L'objectif serait de fournir une base référentielle pour faciliter le renouveau de la pensée libertaire. Attention comme tout blog il faut commencer par la fin soit le message le plus ancien. Pour faciliter ,les articles ont été numérotés puisqu'ils font partie d'un ensemble de textes. La forme blog m'est apparue plus intéressante que la brochure en raison de la gratuité et des échanges à venir.Vous pouvez laisser des commentaires en cliquant sur l'icône éclair.Cordialement et bonne lecture !

12 Apr

Anarchie et pouvoir 12

Publié par sureau  - Catégories :  #anarchie et pouvoir

Anarchie et pouvoir 12

Les anarchistes pensaient qu’en le mettant hors de la communauté, ils s’en débarrasseraient alors qu'il ne s'en développe que davantage comme ce fut le cas lors du glissement qui a accompagné l’émergence des premières formes étatiques lors du passage du polythéisme au monothéisme.

« Ce qui était essentiel à la structuration sociale (devint) attribué de l’extérieur … vouloir effacer le sacré… vouloir l'éliminer entièrement, prépare en réalité le retour subreptice au sacré…"[1]

« La coupure religieuse passait auparavant en somme, entre les hommes et leurs origines, de manière à prévenir le surgissement d'une division entre eux. Avec l’émergence d’un appareil de domination, elle se met à passer entre les hommes eux – mêmes, au milieu d’eux, à les séparer les uns des autres. »[2]

Externaliser le pouvoir en le diabolisant ne supprime pas le problème de son émergence, de son existence et de son contrôle. Cela exprime le désir de rejet du pouvoir mais dissimule le rejet par l'homme de sa propre prise transformatrice sur le monde.

Pire, "la domination, en effet, porte en elle la perspective de son extension; dès l'instant où il y a séparation de l'instance du pouvoir; il y a l'horizon d'un élargissement de la sphère qu'elle régente."[3]

Gardons à l'esprit que «l’institution hétéronome de la société et la religion sont d’essence identique» [4] et que « la négation pure et simple de l’interdit n’est qu’un autre mode d’acceptation de l’interdit. La révolte est l’acceptation et la consécration du pouvoir. Seule l’évolution progressive ou la révolution, c’est à dire la création de nouvelles valeurs, de nouvelles normes, d’un nouveau mode de vie est remise en cause du pouvoir » [5]

Et c’est bien cela le sens profond de la mise en garde autour du pouvoir et de la malédiction que proféra Louise Michel.

"Si un pouvoir quelconque pouvait faire quelque chose, c'était bien la Commune composée d'hommes d'intelligence, de courage, d'une incroyable honnêteté et qui avaient donné d'incontestables preuves de dévouement et d'énergie. Le pouvoir les annihila, ne leur laissant plus d'implacable volonté que pour le sacrifice. C'est que le pouvoir est maudit et c'est pour cela que je suis anarchiste."[6]

Toute idéelle qu’elle fut, l'imprécation dissimulait mal l’embarras entre ce pouvoir de la communauté et ce pouvoir qui put s'externaliser, confisquer et détruire à tout instant le pouvoir social. La fragilité et l’intermittence des constructions sociales fondées sur l’appropriation collective du pouvoir sans dépossession sont posées.

Jeter l’anathème sur le pouvoir se révéla alors avoir valeur de persuasion, d’incantation révolutionnaire mais cela témoigna d’un aveu d’impuissance, exprimé par l’énonciation d’une dérisoire malédiction idéelle dont la phraséologie révolutionnaire ne retiendrait plus tard que : « le pouvoir est maudit et c'est pour cela que je suis anarchiste." [7]

On maudit ce que l’on méconnaît et ne maîtrise pas, mais la mystérieuse réalité de la servitude volontaire, prise dans l’entrelacs discursif, reste toujours présente, obsédante et tentaculaire. Cela demeure l’écueil majeur de la pensée anarchiste et c’est par cela qu’il faut commencer toute analyse critique.

Le pouvoir produit et organise-les « interdits qui ont pour fonction de préserver de toute atteinte sacrilège l’ordre ainsi institué. »[8] L'anarchisme, à son tour, est pris dans cette imbrication conceptuelle.

Maudire le sacré, exprimer cet oxymoron, c’est peut-être cela la vraie transgression si la malédiction s’articule sur une conception d’un autre ordre du monde et est l'expression d'autres valeurs, l'énonciation d’un moi dynamique conjugué avec les limites du genre humain.

[1] La violence et le sacré, p 480

[2] Marcel Gauchet, le désenchantement du monde, Gallimard, bibliothèque des sciences humaines, 1985, p 29-30

[3] Marcel Gauchet, le désenchantement du monde, Gallimard, bibliothèque des sciences humaines, 1985, p 31

[4] Cornelius Castoriadis

[5] Eugène Enriquez, les figures du maître, Arcantères, 1997, p 16

[6] Louise Michel Louise Michel La Commune : Histoire et souvenirs - Stock 1898, Maspero 1970, La Découverte 1999 à la page 149

[7] Dans ces grandes phrases que l'on cite, on n'en prend qu'un morceau. On se dit que « le pouvoir est maudit, c'est pourquoi je suis anarchiste ». Et, très souvent, le pouvoir, c'est le pouvoir bourgeois... mais non ! c'était tous les pouvoirs, y compris celui de la Commune d'ailleurs. Michel Ragon le monde libertaire n°1341s, HS n°24 (25 déc. 2003-11 févr. 2004)

[8] André Caillois, l’homme et le sacré, Gallimard, 1938

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